
De retour du Japon … Entretien avec Lionel Reynaud 2/2
Lors de la première partie de notre entretien, tu nous as parlé de ton séjour au Japon.
Pourrais-tu nous parler de la place du Karate au Japon ?
Il va falloir s’il te plait que tu détailles un peu plus plus ta question car le sujet peut être très vaste.
Bien sûr. Lors de tes séjours au Japon, as tu rencontré beaucoup de pratiquants japonais et est-ce que le Karate y est très populaire ?
Ce que je vais partager se base sur ma petite expérience; je parlerai donc de l’Ile principale du Japon et ce que je vais dire ne concerne pas Okinawa puisque je n’ai pas encore pu m’y rendre.
Le Karate reste populaire dans l’imaginaire collectif; il fait partie de la culture du pays.
C’est vrai que nous en tant qu’Européen avec notre façon de voir les choses on a tendance à voir tout en grand. Certains s’imaginent des Dojos remplis toutes les 2 rues et ce n’est pas tout à fait le cas.
De même, les grandes enseignes japonaises de Karate tels que Shureido, ISAMI, Tokaido, Tokyodo ne sont pas non plus d’énormes boutiques.
Pour l’anecdote, un de mes élèves est parti dernièrement à Tokyo et a voulu aller s’acheter un Dogi ISAMI.
Il s’imaginait un immense magasin type Decathlon et a eu du mal à le trouver avant de se rendre compte que c’est un petit magasin au cinquième étage d’un building.
Concernant le nombre de pratiquants, je n’ai pas de chiffre exact mais de ce que j’ai compris
en échangeant avec les responsables de Dojos, les enfants continuent à pratiquer.
Pour les adultes, il y a apparemment moins de pratiquants.
Cet été, avec la vague de tourisme que connaît le Japon depuis deux ans, il n’était pas exceptionnel de visiter des Dojos où il y avait plus de pratiquants étrangers que de locaux.
En revenant sur le thème des enfants, certains parents inscrivent leurs enfants à des dojos de Karate où l’enseignant fait les cours en anglais afin qu’ils apprennent plus vite la langue de Shakespeare.
Je crois en avoir vu 2 ou 3 dans le quartier de Tokyo où j’étais.
J’avais trouvé le concept intéressant.
Il ne te reste plus qu’à ouvrir une Dojo Uechi-Ryu à Tokyo en Français alors ?
Je ne suis pas sûr que le marché soit porteur et de toute façon professionnellement je suis sur Toulouse pour encore quelques temps.
Des cours de Uechi-Ryu en français au Japon (il réfléchit) …. Cela pourrait être amusant.
Les japonais adorent la France; dans les grandes villes, on trouve énormément de boutiques aux noms français ou reprenant des expressions françaises qui sont un peu ‘adaptées’.
A Tokyo, par exemple, j’ai trouvé un fabriquant de vélos urbains qui donnait à ces modèles les noms des villes du Sud-Ouest de la France; il y avait même le nom d’une petite ville près de Toulouse.
Après, quitte à vivre au Japon, j’aurais quand même d’autres coins en tête : près de Fuji ou pourquoi pas dans le nord de l’archipel près des montagnes; c’est vraiment très beau là-bas.
Quel a été l’accueil des Dojos que tu as visités ?
L’accueil a été très bon, la plupart des enseignants étaient surpris de voir un pratiquant étranger se débrouiller un peu en japonais.
Sur Tokyo j’ai cru comprendre qu’avec la grosse de vague de tourisme qu’ils ont eu cet été, ils étaient plus habitués à donner des cours d’initiation; Ils étaient souvent surpris de voir quelqu’un arriver avec quelques années d’expérience.
Ce fut d’ailleurs le cas au sein du Muribushikan à Koenji dont j’ai parlé le site de notre plateforme pédagogique Oryukan.
Celui où on te voir faire Sanseiryu sur les réseaux ?
Oui celui-là même. Mon arrivée y a été très amusante.
Même si j’avais écrit pour me présenter je pense que l’info s’est un peu perdue entre les différents intermédiaires (responsables régionaux et responsable du dojo).
Le professeur s’attendait à devoir donner un cours pour débutant je lui ai expliqué quel niveau j’avais et quel kata je travaillais .
Sa réaction a été ‘Oh vraiment, il va falloir que l’on change le cours alors’ puis lorsque j’ai mis mon Dogi et ma ceinture, il s’est écrié ‘mais tu es comme nous !
Nous portions en effet les mêmes tenues puisque nous faisons partie de la même organisation la Uechi-Ryu Karate-Do Kyokai (上地流空手道協会) du Soke Sadanao Uechi.

Comment s’est déroulée la suite de la séance ?
Certains élèves ont demandé à ce que nous menions la séance conjointement avec le professeur local.
J’ai simplement répondu que le plus gradé était le Kancho et que si le Kancho me demandait s’il y avait des petites différences de techniques à partager, je serai très heureux de pouvoir les partager.
Nous nous sommes tout de suite mis au travail et le Kancho m’a demandé à chaque fois que je voyais une différence de pratique ou de techniques de leur montrer.
Nous avons donc pas mal échangé….
Il y a tant de différences que cela ?
Non le Karate Uechi reste le Karate Uechi, les katas sont les mêmes les techniques aussi. Il y a des petites variantes qui ont pu évoluer au fil de temps.
Même si nous pratiquons un art traditionnel, chaque enseignant se développe et va y ajouter dans son enseignement ce qu’il a trouvé.
C’est un chemin personnel qui évolue avec la pratique.
Pour illustrer cela, je pourrais te parler de me premières rencontres avec George Mattson.
Lorsque que je l’avais rencontré, je ne savais honnêtement pas qui il était à part qu’il était enseignant de Uechi-Ryu.
C’est mon professeur français Jean Smith qui m’avait dit mais Lionel tu sais qui c’est George Mattson?
Donc j’avais regardé et fait des recherches … quelle ne fut pas ma surprise.
Lorsque nous nous sommes revus avec George, je savais maintenant qui il était et j’étais donc très impressionné.
Lorsque je lui ai dit j’avais pu trouver son premier livre ‘The Way Of Karate’ et que je l’avais beaucoup aimé.
Sa réponse avait été sans appel: ‘j’étais jeune quand j’ai écrit ce livre et maintenant, après des décennies de pratique, je suis en désaccord avec certains points donc n’en tiens pas compte s’il te plait. Ce que j’enseigne maintenant est différent et se rapproche beaucoup de la manière d’enseigner de Kanei Uechi. ‘
Cela peut paraitre un peu brutal … mais après tout nous ne sommes que des cherchants et on ne trouve que ce que l’on cherche.
On ne trouve pas non plus les mêmes choses à 20, 40 ou 60 ans aussi.

Quelle histoire !
Si on revient maintenant sur les points techniques (je ne peux que parler du Uechi-Ryu); oui il y a des adaptations en fonction de la dynamique et de l’intention que l’on met dans les techniques.
Je trouve que c’est une vraie richesse d’échanger sur ces différences car cela permet d’expliquer pourquoi on fait d’une certaine façon et cela aussi nous permet de comprendre pourquoi certains la font d’une autre.
Après rassure toi un mawashi uke reste un mawashi uke (blocage circulaire du Uechi-Ryu).
Mais il est vrai que l’on évolue au gré des rencontres martiales que l’on fait.
Je me rends compte avec un peu de recul que j’ai fait évoluer certains points techniques de ma pratique grâce à des échanges que j’ai pu avoir au Japon, en France, en Italie ou aux USA. Que ce soit des pratiquants de Uechi-Ryu ou d’autres écoles.
Est-ce que le déroulé et le contenu d’une séance au Japon est différent de ce que l’on pratique en Europe ?
Concernant le Uechi-Ryu je n’ai pas vu de choses très différentes. Nous avons la chance de pratiquer un art traditionnel avec un corpus assez clair.
Au Muribushikan par exemple (je cite le même dojo car nous faisons tous les deux partie de l’organisation du Soke), le déroulé correspond au schéma d’une séance que j’aurais faite si j’avais eu des élèves avec un niveau similaire.
La séance a été une séance classique avec beaucoup plus de discussions que la normale puisque nous avons parlé de points techniques.
Nous avons fait tout le Hojo Undo puis travaillé tous les katas …. avec quelques erreurs de ma part… nous étions en fin de voyage, la fatigue commençait à se faire sentir (l’été au Japon il fait très chaud, très humide et nous avions beaucoup bougé les premiers jours) .
Sur les katas nous avons travaillé les différentes applications et partager nos différentes interprétations
Nous avons ensuite terminé par travailler Sanseiryu et certains élèves voulaient voir l’ancien schéma du Kata.
Je leur ai donc montré le kata avec l’ancien schéma et j’ai essayé d’y ajouter la dynamique des mouvements telle qu’enseigné au sein du Muribushikan.
Nous avons fini par parler de l’ancienne méthode encore enseignée par George Mattson.
Concernant celle-ci il faudra s’il te plait que l’on en reparle dans un prochain entretien car cette ancienne méthode n’a pas l’air très connue.
C’est une méthode assez spécifique qui se rapproche de ce que faisait Kanei Uechi avec beaucoup plus de souplesse et l’utilisation de tous le corps lors des différentes techniques.
Ce qui est amusant c’est que quand j’ai partagé la vidéo du Sanseiryu que j’ai faite à Tokyo; cela a fait apparemment beaucoup parlé.
Certains me trouvaient trop souple d’autres trop raide. Tout est donc une question d’interprétation et de pratique.
Concernant les combats est ce que c’est différent ?
Là encore, je ne peux pas faire de généralités néanmoins le port du casque avec visière semble être devenu très populaire au Japon pour pratiquer le Kumite.
Je le savais pour les enfants mais c’est maintenant le cas aussi pour les adultes.
J’avoue ne pas avoir demandé si le covid avait joué sur cela ou si c’est une évolution de la pratique au Japon.
Comptes-tu retourner au Japon l’année prochaine ?
Le programme pour les prochains mois est assez chargé avec une visite pour pratiquer vers Miami.
La Floride ayant vécu ces derniers jours le passage de l’ouragan Milton; j’espère que les installations seront d’ici là en état de nous recevoir.
En parallèle, il nous faut préparer les futurs rassemblements de la communauté de pratique Uechi-Ryu Oryukai puisque nous commençons à avoir une bonne dynamique de groupe.
Peux-tu nous dire un peu plus sur les membres de Uechi-Ryu Oryukai ?
Bien sûr, nous avons la chance d’avoir des pratiquants très engagés dans leur apprentissage; la plupart se connectent aussi aux cours que nous avons avec les USA tous les Mardi soirs.
Ils progressent donc en anglais eux aussi (rires).
Au sein du programme en ligne (ORYUKAN), nous avons des élèves de l’Est de la France, de Normandie et du Grand Sud-Ouest; bref les endroits où il n’y a pas de Dojos.
Nous sommes en train d’organiser les rassemblements car Il est important que nous puissions nous rassembler et travailler ensemble.
Quand est prévu le prochain rassemblement ?
Les dates et le lieu sont en cours de discussion avec les membres du Groupe mais ne vous inquiétez pas nous mettrons les informations sur le site.
Merci beaucoup Lionel pour ta disponibilité.


